La machine à corrompre
L'argent noir

Dans un livre extrêmement intéressant et particulièrement bien documenté (‘L’Argent Noir’ – Editions Fayard – 1990), le journaliste Pierre Péan, démonte en détail les mécanismes de la corruption des pays en voie de développement – que cette corruption concerne les armes ou d’autres marchés – et démontre parfaitement l’implication de l’Etat français. Pierre Péan raconte :

" Le 15 décembre 1983, à quelques pas de l’Elysée, dans les salons du Cercle Interallié, Charles Hernu, Ministre de la Défense, lit avec beaucoup de chaleur un discours devant le Tout-Paris militaro-industriel. Un rapide " panoramique" permettrait de reconnaître, dans la petite foule qui assiste à la cérémonie, des dirigeants de Dassault, de Thomson, de la S.N.I.A.S., de Matra, etc., des généraux, des contrôleurs généraux, des inspecteurs généraux encore en poste à la Direction générale de l’Armement ou venant de "pantoufler "chez l’un ou l’autre des grands fabricants d’armes de la place. Des banquiers sont venus, ainsi qu’un conseiller de 1’Elysée, quelques ambassadeurs et préfets, des Libanais, quelques très riches Arméniens, Syriens et Saoudiens, et, bien entendu, le vice-président du Sénat, Etienne Dailly (Lire à ce propos D... comme Dailly, de Claude Roire, Éd. Alain Moreau, Paris, 1988.). " Nous reviendrons plus loin sur le sénateur Dailly, considéré comme le parlementaire représentant le lobby des marchands d’armes en France.

L’objet du discours de Charles Hernu, concerne la remise de la cravate de commandeur de la Légion d’Honneur à Akram Ojjeh, le délégué permanent en Europe du prince Sultan, le ministre saoudien de la Défense. Charles Hernu salue le "génie des relations commerciales " de cet homme d’affaire dont ont bénéficié les grandes sociétés ici représentées qui lui doivent quelques gros contrats pour des montants dépassant au total la centaine de milliards de francs! Mais comme le souligne Pierre Péan " Le "génie" d’Akram Ojjeh, c’est la distribution de pots-de-vin et de bakchich. Dans le Golfe persique, mais aussi en France. Tous ceux qui participent à la petite sauterie de la rue du Faubourg Saint-Honoré le savent bien. Le "génie" est loué avec d’autant plus de force par Charles Hernu qu’en cette fin 1983, Français et Saoudiens mettent au point les détails d’un gigantesque contrat (Shahine) qui sera rendu public moins d’un mois plus tard.