La machine à corrompre (suite)

Ainsi la République française honore un grand corrupteur. En principe, la Justice pourrait lancer un mandat contre lui, puisqu’il exerce ses talents en territoire français. "Quand c’est vraiment très gros, c’est la loi du silence qui s’applique... Vous imaginez un policier déclencher une enquête contre Akram Ojjeh?" dit en souriant le spécialiste des problèmes de corruption au parquet de Paris.

Il n’est pas facile d’enquêter dans un domaine où la réalité entière est en trompe l’œil. "A quoi ça sert de lever le voile?" dit l’un. "On ne peut pas faire autrement ", dit l’autre. "Dans ces pays-là, ce n’est pas comme chez nous, un petit bakchich n’est pas considéré comme de la corruption." Et quand les rares initiés acceptent de distiller quelques révélations, c’est en échange du serment que leur anonymat sera protégé.

" La corruption est une donnée. Elle est reconnue par l’Administration. Elle est indispensable pour obtenir de grands marchés, car tout le monde la pratique. Ses taux varient selon les matériels. " Pour ce haut fonctionnaire de la D.R.E.E. (Direction des Relations économiques extérieures, installée quai Branly, et dont la fonction principale est de soutenir notre commerce extérieur), les bakchich ne valent pas un débat. Ils sont aussi naturels que Noël en décembre. Et le grand serviteur de l’État d’égrener sans complexe les noms de grands distributeurs français de "commissions" : Bouygues, Spie-Batignolles, Alsthom, C.G.E., Thomson, Doumenc, etc., etc... Il se livre même à un rapide calcul: "Dans le domaine civil, la corruption s’applique aux contrats de biens d’équipement et a l’agroalimentaire. Soit quelque 100 milliards de francs par an. Appliquons à ce chiffre un taux moyen de 10 %: l’arrosage” se monte à 10 milliards de francs. "